Retour de lecture

Ce que j’en pense : Préhistorisk

La forme :

Livre carré, reliure au dos carré collé de 114 pages.
Alors, le bouquin est joli, c’est du gros papier glacé facile à manipuler. Intérieur noir et blanc avec quelques illustrations pleine page ainsi que des vignettes qui viennent soutenir le texte de temps en temps (chaque tribu a droit à sa représentation, ainsi que les armes, sur une double page au chapitre concerné).
Le bouquin est divisé en deux parties, à savoir Manuel du joueur (66 pages), qui regroupe les règles, une présentation de l’univers ainsi que la création de perso, avec sept tribus, les divinités, les différents sorts, et Manuel du Meneur (50 pages), qui lui présente la face cachée de l’univers (on y reviendra 😅), deux méthodes de création de perso alternatives, quelques conseils au meneur, un bestiaire, cinq scénars et un glossaire du meneur sur une page pour conclure.

Le Fond :

Toute la partie la partie manuel du joueur nous pose donc un contexte « préhistorique », que je mets entre guillemets tant celui ci relève plus du romanesque à tendance un peu Pulp que d’une quelconque réalité historique. En effet, nous ne sommes clairement pas sur la même orientation qu’un Würm1 (totalement au hasard), mais plutôt sur un imaginaire préhistorisant assez stéréotypé.
Nos sept tribus évoluent donc sur une île baptisée Paléo, d’environ 200km de long pour 100km de large, aux climats et paysages très variés, avec chacune sont territoire, ses spécialités et ses tribus alliées/ennemies.
Les morphologies varient beaucoup d’une tribu à l’autre, nous présentant des individus allant de 1m15 à 2m10, aux coutumes non moins différentes.

Une membre de la tribu des Céhols


Les Kadchas, solides montagnards adaptés au froids et proches de la nature, ils font du troc sur toute l’île avec les autres tribus.
Les Chyros, amazones guerrières n’hésitant pas à miser sur leur physique ou des paroles aguicheuses pour déstabiliser leurs adversaires.
Les Gronoks, tribus de pillards belliqueux au physique impressionnant, ils sont ennemis avec la plupart des autres tribus de l’île.
Les Erbènes, tribu sournoise vivant cachés autant que faire se peut, ils s’allient de temps en temps aux Gronoks pour se livrer à des raids sur d’autres tribus.
Les Clohads, tribus de pêcheurs athlétiques au tempérament calme, ils font souvent office de diplomates pour arbitrer les disputes entre tribus.
Les Céholes, tribu composée exclusivement de femmes, toutes blondes, très belles et spirituelles, n’ayant « naturellement » pas le besoin d’avoir une vie sexuelle (oui oui, vous avez bien lu).
Les Rahs, tribu de petits hommes du désert très axés sur la spiritualité, la nature et le shamanisme. Ils vivent relativement isolés et respectent l’intellect des Céholes.
Il existe une huitième tribu regroupant tous les membres rejetés par la leur, ce sont les Exys.
L’auteur recommande de jouer des membres appartenant à la même tribu, ce que je trouve dommage au niveau de la variété des personnages… Il est toutefois possible de jouer des parias réunit chez les Exys, mais ils seront pénalisés au niveau des points de création, particularité de cette tribu (25 points à répartir au lieu de 30 pour les tribus « officielles »).
S’ensuit le choix éventuel d’un dieu qui apportera une liste de tabous et rites à accomplir régulièrement par les personnages sous peine de provoquer sa colère (et avoir par conséquent des malus sur les jets de dés), ainsi qu’un pool de points de création supplémentaires, variant pour chacun (de 8 à 20 points bonus).

Houuu le vilain Gronoks

PJ ALERTE… PJ ALERTE… arrêtez la lecture maintenant ou acceptez le rôle de meneur à tout jamais sur ce jeu !
Vous pouvez reprendre la lecture sur « les règles », mais évitez la partie « conclusion ».

Ok, amis meneurs, bonjour 👋

Bon, Préhistorisk ne se déroule pas du tout durant la préhistoire mais quelques années après 2015, sur une île isolée du monde contemporain abritant un programme scientifique (que l’on suppose militaire) visant à améliorer la race humaine en étudiant les effets sur le long terme d’une substance baptisée temporelline (extraite d’une plante africaine mystérieuse).
L’ingestion de cette substance provoque des régressions physiques (la désévolution) chez l’être humain, mais surtout des accès aux vies antérieures des sujets, par le biais de leurs rêves… rêves dont ils se réveillent modifiés (entendez par là qu’ils gagnent des pex), plus forts, plus charismatiques, plus rapides, … Voilà voilà.

Les Règles :

Le jeu se pratique majoritairement avec des dés Ty, des « dés » à deux faces (donc, des pièces), une blanche, l’autre noire que l’on jette en général par brouette de six. Blanc égal succès, noir égal échec.
Le personnage s’articule autour de onze caractéristiques elles mêmes regroupant à chaque fois deux sous-caractéristiques.
Chaque caractéristique principale est notée sur cinq et les points investis sont à répartir ensuite entre les deux dérivées.
Exemple :
Force •••°° (donc 3 points en force)
Dérivées :
Ravage ••°°°
Pression •°°°°
Vous avez donc 3 points à répartir entre ravage et pression (ici 2 points pour la première et 1 point pour la deuxième, sachant que toutes les combinaisons sont possibles).
Maintenant, pour résoudre une action, on jette toujours 6 dés Ty et pour réussir une action, il faut autant de succès que les cases blanches de la carac dont dépend l’action…
Il m’a fallu un petit moment pour saisir la logique de la chose (je parle bien de la logique, pas du principe)…
Il s’agit d’une lecture très visuelle de la feuille, les ronds noircis représentant le nombre d’échecs que vous pouvez obtenir sur vos 6 dés Ty tout en réussissant l’action, ce qui implique que même si l’une des caractéristiques ne bénéficie d’aucun point, vous pouvez réussir l’action (si un seul de vos 6 dés Ty affiche une face noire…🤔)
Ça me fait un peu penser à l’ergonomie telle que conçue par Apple, très visuelle et absolument contre intuitive (glisser une icône disque sur la corbeille pour éjecter un cd du lecteur par exemple)… Ça se veut pratique, mais demande des efforts pour acquérir le réflexe.
Bref, d’autres dés serviront pour déterminer les dégâts et l’initiative, mais le gros du système tourne sur ce principe.
Il y a ensuite des réserves de points permettant d’utiliser un certain nombre de fois par partie vos capacités de clan ou vos sorts (car oui, la magie est là, rattachée aux éléments naturels air, terre, eau et feu).
A propos de la magie. Tout est lié à la canalisation d’une énergie intérieure propre à chaque être humain. Ici pas d’incantations ou autres parchemins, vous concentrez votre énergie intérieure et la relâchez par les mains. Donc si vous tenez quelque chose au moment de lancer un sort… Ça échoue.

Les fameux des Ty

Conclusion :

Bon, je n’irai pas par quatre chemins, c’est un rattage (rhooo le vilain).
L’idée aurait pu être bonne si traitée autrement.
Des hommes préhistoriques caricaturaux, pourquoi pas.
Un projet scientifique en twist/trame de fond, pourquoi pas.
De la magie… Admettons (là on touche à ma limite)
Mais…
Les « régressions oniriques »… ?
En effet, d’après l’auteur lui-même, 90% du temps de jeu consistera en « voyages temporels », l’aspect préhistoire et donc, l’île décrite ainsi que les tribus et leurs relations, ne sera que cosmétique.
L’ouvrage se termine sur 5 « scénars » (appellation officielle d’un… scénario…), tous bâtis sur le même modèle.
Vos PJ partent chasser (un sanglier, un canard, une loutre, …on s’en fout), l’essentiel étant qu’ils consomment de la viande dans laquelle on aura injecté de la Temporelline afin de déclencher une régression (on vous fait bien comprendre qu’il ne faut pas s’éterniser sur la séquence de chasse, quitte à faire clamser le sanglier déjà boiteux aux pieds de vos chasseurs, histoire de ne pas perdre de temps).
Hop, on enchaine avec une séquence onirique (toujours la même) dans laquelle vos joueurs suivent une femme blonde aux longs cheveux soyeux jusqu’à un puit de lumière (???) et re hop, ils se réveillent dans une autre époque… Et là, autre précision de l’auteur, ils ont automatiquement une compréhension instinctive de leur environnement, des outils qu’ils peuvent être amenés à utiliser, de la langue, bref, de tout, sauf qu’ils doivent composer avec leur capacités d’hommes (ou de femmes) préhistoriques… Mais POURQUOI ?
Les situations proposées vont du jugement de Louis XVI (qu’ils devront défendre) à la Zone 51 en 1969, en passant par la guerre de sécession ou encore le chouchou, une O.V.A (pour Odyssée de Vie Antérieure) dans laquelle ils incarneront des soldats nazis à Auschwitz… et, telles que présentées, ne revêtent à mon sens que peu d’intérêt.
Me voilà donc bien embêté avec ce jeu qui me pose un contexte dans une main, des situations complètement aux antipodes dudit contexte dans l’autre, et me dit en gros : démerdez vous pour que ça marche, sans autre forme de procès.
Comme pourrait dire maître Yoda, « dubitatif je suis » 🤔.
Si vous tenez donc à pratiquer ce jeu, les quelques conseils que j’aurais à donner sont les suivants :

  • Jouez dans le contexte proposé (l’île de Paléo) dans la partie « manuel du joueur »
  • Gardez l’aspect expérimentation scientifique, mais n’en n’usez en twist qu’au bout de quelques parties, en lâchant quelques éléments perturbateurs occasionnellement (un outil moderne égaré par un technicien de maintenance venu injecter de la Temporelline à un animal de l’île, un cadavre d’homme moderne à moitié dévoré par des bêtes, un câble électrique dépassant du sol, …) afin d’aiguiller vos joueurs vers une ambiance à la « Lost préhistorique ».
  • N’utilisez les O.V.A qu’au bout de plusieurs parties, et si possible dans un contexte shamanique, de préférence en lien avec une situation liée aux présent des PJ.

Sous ces trois conditions, on peut peut-être arriver à quelque chose de cool (à mon sens, et je dis bien peut-être), mais en l’état, le jeu me paraît complètement à côté de la plaque et inexploitable.
Je n’aime pas être dur à l’égard d’un jeu (il y a un gros boulot de création derrière et certainement une vision de l’auteur qui m’échappe), mais là je peux difficilement faire autrement tant la partie « secrets » et « scénars » donnent l’impression de venir saborder ce qui est développé auparavant, nous encourageant gentiment à n’en pas tenir compte une seule seconde.
Une formule désormais classique vient bien résumer ce que j’en pense : What the Fuck ?!?

Une dernière pour la route. Madame est donc une Chyros

Il s’agit d’un jeu de Olivier Vallin, édité chez Oliz en 2011, que vous pourrez peut-être encore trouver en magasin ou sinon, sur le marché de l’occasion.

Notes et références :

1 Würm : http://www.legrog.org/jeux/wurm/wurm-2eme-edition/wurm-2eme-ed-fr

Laisser un commentaire