Aujourd’hui, les propositions de jeu sont pléthores et touchent à vraiment tous les domaines. Il suffit d’aller faire un tour sur le Grog1 ou dans les rayons de Philibert2 pour s’en apercevoir et tout un chacun peut aisément trouver son bonheur, quelque soit l’univers recherché. Au milieu de tout ça, les systèmes de jeu ne sont pas en reste et toutes les variantes se promènent dans la nature, entre ludisme, simulationisme, narrativisme, et tout les mots en isme qui peuvent vous venir à l’esprit (en restant pertinent dans le contexte, tout de même)… Dés, compétences, caractéristiques, carrières, apsects, cartes, jenga, shifumi, tout y passe.
Pour autant, les systèmes, tout originaux qu’ils soient, tendent à ne pas bousculer des fondamentaux qui seraient globalement :
– description du contexte de la scène jouée
– description de la volonté d’action des personnages
– résolution des actions par le biais des mécaniques du jeu
– description de la scène en fonction des résultats et rebelote.
Alors, ça fonctionne sans problèmes (enfin, la plupart du temps) autres que générer parfois de la frustration face à une mécanique imprécise (ou trop précise), un hasard qui s’acharne dans le mauvais sens, pour donner au final et en dépit des râleries incessantes sur tel ou tel point de rêgle ou lancé de dés rageux à travers la pièce, les parties que l’on aime tant mener en soirée depuis l’adolescence.
Sauf que voilà… quand une vraie approche différente émerge, elle a souvent du mal à s’imposer (le rôliste, comme tout un chacun me direz-vous, est un animal d’habitudes).
Parmis ces propositions « nouvelles » qui ont fait surface ses dernières années, les deux plus connues sont sans doute FATE3 et les jeux motorisés par l’ Apocalypse4.
Tout deux ont leur fans, mais aussi leurs grands détracteurs, ce qui est bien normal… et pourtant, quand on regarde bien, ils ne sont finalement pas si différents de ce qui se pratique couramment depuis des années… les fondamentaux restent sensiblement les mêmes.
C’est là qu’arrive Abstract Donjon5 et son système radicalement différent (si si!).
Alors Abstract, qu’est-ce que c’est ?
Publié originellement en 2014, Abstract Dungeon venait chambouler les habitudes et les codes de notre petit milieu.
En 150 pages, c’était un petit bouquin ne payant pas de mine, et pourtant…
Les XII Singes6 ne s’y sont pas trompés et quelques années plus tard, nous ont proposé la V.F de cet ouvrage. Plus qu’une simple traduction (206 pages pour la v.f), c’est une véritable gamme qui a vu le jour chez nous en 2018, avec de nombreux ajouts destinés à faire vivre le jeu :
– Abstract Donjon (la base)
– Abstract Universe (adaptation Super-Heros, S-F, Weird West…)
– Drakonheim (Cadre de jeu générique Med-Fan, sans données chiffrées)
– Abstract Al-Taraka (campagne 1001 nuits)
Dans un second temps (et une seconde campagne de financement), les mêmes Singes ont fait le pari du Steampunk pour cette gamme, en y adjoignant trois ouvrages supplémentaires :
– Criminels, Mercenaires & Comploteurs (galerie de persos et organisations)
– Abstract Aventures Steampunk (grande campagne de jeu)
– Guide de survie du Mj Steampunk (supplément générique et aides de jeu)
Alors, tout ça c’est très bien, mais qu’est-ce qu’on en fait et en quoi ça change des autres jeux ?
Un personnage est défini par quatre caractéristiques, quelques traits, son équipement, des trésors et une réserve bonus. Chacun de ces éléments se verra attribué un certain nombre de dés (d6), en fonction de son niveau.
Là où le jeu diffère des autres, c’est qu’à chaque début de partie, les dés sont lancés dans leur ensemble et posés sur la fiche afin d’être dépensés en cours de jeu, lors des différentes scènes qui seront proposées.
Toute la partie sera ensuite articulée autour de la gestion de ces ressources par les joueurs pour faire face aux différentes situations auxquelles ils seront confrontés et la tension viendra de leur inexorable épuisement, plutôt que de la part de hasard dûe aux jets de dés.
Présenté comme ça, il n’est pas encore évident de visualiser ce qui change… développons un peu au travers d’un exemple comparatif :
Les pj sont des super héros faisant face à une horde de robots tueurs créés par l’infâme Docteur Flatulis afin de conquérir Plougastel, puis le monde :
Une trentaine de robots équipés de bras mécaniques au bout desquels s’agitent d’affreuses scies circulaires à l’aspect menaçant, fonce dans votre direction, détruisant tout sur son passage. Le soleil se reflète sur leur blindage, produisant mille éclairs lumineux du plus bel effet, qui donneraient à la scène des airs de parade festive si l’heure n’était pas aussi grave. Que faites-vous ?
Jeu de rôle traditionnel | Abstract Donjon |
– Jet d’initiative pour tout le monde – Queen-Amann, la speedster de l’équipe, tire le resultat le plus bas de l’histoire du jeu de rôle et agira à la fin du tour, se faisant la reflexion que la prochaine fois elle vérifiera ses lacets avant le début du combat. – Chu Chen, le spécialiste en arts-martiaux agit le premier. Il se jette dans la mêlée, accompagné du flamboyant King Hafarz et de son fidèle épagneul mutant Zig Zag, – Bon, ben je refais mes lacets. – Chu Chen tente un balayage sur le premier rang de robots histoire de géner la progression des suivants ». – Jet d’arts-martiaux avec une réussite normale, par contre les dégats sont faibles, seuls trois robots se retrouvent à terre, tentant péniblement de se redresser pendant que les autres les contournent. – Le King va vous cramer tout ça les enfants, pas de panique. J’utilise mon pouvoir de flammes niveau 2 pour faire des dégats de zone et en toucher le plus possible. – Tu en touches 5. Toutefois il leur reste des points de vie, seuls 2 se figent, tu as dû fondre leurs batteries. C’est à eux d’agir. Ils foncent sur vous en agitant leurs bras télescopiques meurtriers. Réussite partielle, seul Chu Chen est touché et prend 3 points de dommages. – Attends, action de réaction, je tente une esquive ! – Jette tes dés. – Réussi ! Chu Chen fait un triple salto arrière et évite de justesse les scies circulaires qui sifflent à ses oreilles. – C’est au tour de Queen Amann qui, pour on ne sait quelle raison, a passé un tour complet à refaire ses lacets alors qu’elle court plus vite que le son. – Oui ben j’ai toujours eu du mal avec les noeuds, pfffff. Donc, je fonce et cours en cercle à fond autour du groupe de robots afin d’attiser les flammes du King et les empêcher d’avancer. – Ok, je vérifie les règles sur le feu page 238 et te dis tout de suite si ça fonctionne… (4 minutes plus tard) Bon ! C’est une action combinée, donc tu n’auras qu’un déplacement au tour suivant et pas d’action simple. Tu cours, ta silouhette se trouble à cause de la vitesse et bientôt, c’est une véritable tornade de flammes qui s’élève au centre de la rue. Tu fais 3 points de dégats à l’ensemble du groupe de robots et en voit tomber 4 de plus. Plus que 21 robots. Deuxième round, Initiative pour tout le monde. … … … … … … | Le groupe de robots représente une menace de 6 dés. Je les lance devant vous pour un résultat de : 4-2-5-1-2 et 6, soit 20 points. Que faites-vous ? – Allé, je suis la speedster du groupe, je commence. J’utilise mon 3 en Déxtérité pour la course, mon trait héroïque « Vive comme l’éclair » à 2 et commence à courir en cercle autour d’eux tellement vite qu’une mini tornade les maintient groupés, gênant leur avancée. – Ok, reste 15 points de menace, les autres vous faites quoi ? – Chu Chen court, bondit sur le capot d’une voiture pour sauter dans la tornade et infliger une déferlante de coups, veritable vent meurtrier aux poings durs comme l’acier, avant de faire un triple salto pour ressortir de la zone. Je dépense mon 6 en Force ainsi que le 4 de mon trait héroïque « Poing du Tonnerre de Brest ». – Bien, reste 5 points de menace. King, tu fais quoi ? – Hmmmm… Une fois que Chu Chen est ressorti, j’envoie Zig Zag arracher des membres de ses crocs puissants et dès qu’il revient, je tir en cloche une boule de flammes qui va s’abattre sur les survivants pour les finir. J’utilise donc mon 3 de « Zig Zag, fidèle épagneul mutant » et un 3 de mon trait héroïque « Maître des flammes au sang chaud » pour un total de 6 contre les 5 points restant. – Super, en un éclair, vous vous êtes débarassés des troupes du Docteur Flatulis. Il vous jette un regard haineux, avant de plonger dans son Autogyre, vous lançant un ultime « Je reviendrai, et ma vengeance sera TERRIIIIIBLE !!! » |
Certes, mon exemple peut paraître un tout petit peu orienté, n’empêche qu’il devrait évoquer quelques souvenirs de parties chez les joueuses et les joueurs s’étant déjà frottés au genre Super Héroïque.
Ce qu’il va néanmoins nous permettre de constater, en plus du gain de temps certain dans la narration, c’est que les postulats de résolution de scènes sont vraiment différents avec Abstract.
En effet, d’un côté, nous avons les désirs des joueurs confrontés aux aléas des systèmes de résolution puis une ré-écriture des dîtes intentions pour refléter l’impact de la mécanique, et de l’autre, les personnages se contentant d’énoncer ce qui se passe concrètement, puisqu’ils choisissent eux-mêmes quels scores de dés utiliser afin de s’approcher au mieux du résultat désiré.
Pour l’avoir testé en situation réelle, la plus grosse difficulté lors de l’explication des règles aux personnes présentes pour la partie est de faire passer le message que toute action décrite se produit telle quelle.
Pas de « J’essaie de crocheter la serrure » ou « Je tente un saut par dessus le gouffre » suivi d’un test qui viendrait confirmer ou non l’intention… Seule l’intention sera retenue « Je crochette la serrure du coffre » ou « Je prends mon élan et d’un bond magistral franchit le gouffre avant d’atterrir avec classe de l’autre côté ».
Autrement dit, si un personnage échoue à une action, c’est parce que son interprète à décidé qu’il en serait ainsi. Les raisons d’échouer peuvent bien sûr être multiples, qu’il s’agisse d’épargner sa réserve de dés en vue d’une confrontation ultérieure ou de servir l’histoire en y ajoutant des rebondissements, une faiblesse passagère du personnage, un moment dramatique… l’important est de comprendre que cela viendra du joueur au lieu d’être simplement subi.
Cette méthode de gestion n’implique pas des changements que pour les joueuses et joueurs présents. Les MJ vont également devoir repenser leur manière de dérouler un scénario, car leur outil principal pour gérer la tension autour de la table, va être la manière d’épuiser les ressources des PJ. Lorsqu’il prépare son scénario, le MJ va calculer les dés alloués à l’opposition en fonction du nombre de dés des personnages (cf photo), afin de proposer une partie équilibrée.
En effet, si l’opposition est sous-estimée par le MJ, les joueurs et joueuses vont se contenter de pousser leurs dés pour triompher des obstacles, sans réelle tension autour de la table. Dans le cas contraire, on va se retrouver avec un sentiment d’écrasement très rapidement, si par exemple à moitié de la partie les joueurs ont déjà quasiment consommés toutes leurs réserves.
Le MJ va donc devoir jongler avec ça et trouver son propre équilibre. C’est là que va résider la difficulté à s’approprier le jeu.
Bien sûr, des outils sont fournis pour palier à ce type d’écueils, comme les restaurations.
Les personnages peuvent décider de relancer tout ou partie des dés de leurs réserves si celles-ci viennent à s’épuiser trop rapidement, toutefois au prix d’une diminution des points d’expérience distribués en fin de partie.
Si la restauration est proposée par le MJ, c’est cadeau et n’impactera pas les PX.
La meilleure approche pour dompter la bète est sans doute de commencer par faire jouer quelques-uns des nombreux scénarios disponibles et voir ainsi comment répartir l’adversité en fonction des scènes, avant de passer à ses propres créations.
Ce que j’en pense
On ne va pas tortiller pendant des heures, Abstract a tout pour me plaire.
C’est vite lu, les règles sont archi simples et unifiées, ça peut se hacker en un rien de temps pour jouer dans à peu près nimporte quel univers et ça permet enfin de jouer un truc vraiment héroïque décomplexé (ça m’a tellement plus que j’en ai pondu un petit hack, très fortement inspiré pour mener des parties sur le pouce. C’est ici).
Pour certains, il manquera d’intérêt ludique de par l’abscence de moult mécaniques, de hasard et pourra paraître dirigiste, voir trop scripté.
À la première lecture, c’est ce que je m’étais dis… et finalement, une fois l’habitude prise de penser les choses différemment, ce jeu est vraiment fun.
La seule vraie difficulté va se résumer à doser les choses pour faire sentir la menace à vos joueurs, à grignoter petit à petit leurs ressources en vue de la confrontation finale du scénario, sans ni les écraser, ni leur faciliter trop la vie.
Bref, j’adore ce jeu et c’est tant mieux, car l’année dernière est tombée la news que j’attendais tant depuis des années… Une nouvelle édition de Thoan7 allait enfin voir le jour.
Bim, je vous ai bien feinté n’est-ce pas ?
Vous vous disiez que « ça y est, il a finit son laïus, on va pouvoir passer à autre chose »…
Hé bien non jeunes naïfs que vous êtes, car figurez vous que la nouvelle version de Thoan est motorisée par Abstract.
Youhouhou, je suis joie et pour féter ça, je vais vous parler un peu de Thoan et de pourquoi Abstract + cet univers = le bien.
Hop, Partie 2 surprise : Thoan
Thoan se base sur la saga des Hommes Dieux de Philip Jose Farmer8 (les 7 romans qui la composent furent publiés entre 1965 et 1993). Le premier roman met en scène Robert Wolf, un homme dans la soixantaine qui se retrouve projeté sur un monde alternatif qu’il va apprendre à connaître, pour le meilleur et pour le pire.
Ce monde est construit comme une gigantesque tour de Babel dont les différents étages sont séparés par des montagnes abruptes, hautes de plusieurs kilomètres, censées garantir l’absence de circulation des peuplades d’un étage à l’autre.
On y croisera en fonction des étages aussi bien des dryades, des faunes, des aigles géants, des peuplades amérindiennes, vicking, teutones, atlantes, que des gorilles géants pacifiques et hedonistes (les zébrilles ) ou des dragons végétariens (oui oui). Au fil du roman, on en apprendra plus sur cette étrange planète, notamment qu’elle fut créée par un être tout puissant, le Seigneur Jadawin, qui la peupla en prélevant des habitants de la terre à différentes époques pour les implanter sur son monde dans de nouveaux corps (Zebrille, Dryades, Faunes, Silènes…), afin de satisfaire ses lubies et fantaisies. S’ensuivront de grandes aventures au travers du monde à étages, de sa Lune, ou encore d’autres univers, toutes plus pulp les unes que les autres. En deux mots, c’est un cycle foisonnant, peuplé de mondes et de personnages plus grands que nature, qui mérite sans aucun soucis d’être inscrit au panthéon de la S.F et du Pulp (comment ça je suis fan depuis que j’ai 12 ans ?)
C’est par un beau jour de l’année 1995 que j’ai pu jeter mon dévolu sur le livre de base de Thoan (à l’époque édité par Jeux Descartes9), magnifique pavé de 432 pages décrivant par le détail le Monde à étages et les tenants de cet univers haut en couleur. Écrit en grande partie par les frères Vesperini (Orso et Leonidas10) et reposant principalement sur les tomes 1 et 3 du cycle, le jeu se vit doté d’un écran et du premier volet d’une campagne au long court (Arwoor) dont la seconde partie fut diffusée sur internet après l’arrêt de la gamme, concordant avec l’abandon de l’édition de jdr par Descartes. Mauvais timing pour un très bon jeu qui aurait mérité d’être plus développé à l’époque.
Les années 90 ont vu naître et disparaître nombreux de jeux dont les systèmes se voulaient novateurs. En effet tout était en train de se construire et la recherche de nouveauté était le maître mot de pas mal d’éditeurs (Multisim11 en tête par chez nous… info pas si anodine que ça, vous verrez).
Thoan n’a pas fait exception à la règle et reste encore aujourd’hui réputé pour son système particulier, reposant sur une mécanique d’échelle de valeurs assez unique en son genre, qui en a déconcerté plus d’un.
Les combats également expérimentaient une méthode de découpage du round plutôt novatrice en Jdr. Chaque personnage disposait d’un certain nombre d’unités d’action (U.A) à dépenser pour agir dans le tour. La planification du tour se faisait « en aveugle » et l’on confrontait les choix des PJ et des PNJ une fois que tout le monde avait décidé du placement de ses U.A.
Ajoutez par là-dessus une réserve de points d’héroïsme, 9 caractéristiques, une vingtaine de compétences, deux types de vitesse de deplacement et vous aurez un joyeux amas de statistiques qui n’a pas participé à ce que le jeu trouve son public (bien que tout soit au final fonctionnel et pas si compliqué que ça).
Après une préface de Philip Jose Farmer himself, excusez du peu, quelques généralités, un glossaire et une aventure solo pour se mettre dans le bain, ces rêgles réputées si particulières tenaient au final sur seulement 60 pages à la maquette bien aérée.
Autant dire que comparé à quelques mastodons plus modernes, ça ne pèse finalement pas si lourd que ça.
Tout le reste du bouquin englobait la création de personnages (sur 50 pages, avec 20 types de personnages jouables, présentés chacun sur une double page et agrémentés d’une belle illustration), une présentation rapide de la cosmogonie Thoane, une superbe partie encyclopédique sur le monde à étage de 150 pages, des conseils pour mener le jeu, un résumé de chaque tome de la saga, un catalogue de la technologie des Seigneurs, un bestiaire et deux scénarios (tout ça sur les 110 pages restantes).
Le moins que l’on puisse dire de ce bouquin, c’est qu’il est généreux et dresse un parfait tableau du Monde à étages (merci Alexis Santucci12 pour ces superbes illustrations) dans lequel pourront s’esbaudir ensuite les joueurs pendant de longues heures/semaines/années.
Le parti pris pour approcher le cycle de manière ludique était donc ici de jouer des habitants du Monde à étage et d’y situer la majeure partie de leurs aventures.
Thoan nouvelle version
Tout ça nous amène gentiment à la version du jeu qui fut financée l’année dernière et pour laquelle j’avais passé Frédéric Weil13 et Stéphane Arnier14 à la question (ici).
Hé bien, l’eau a coulé sous les ponts depuis et aujourd’hui, les livres sont (presque) prêts à partir chez les souscripteurs.
Ô joie !
Le mois d’octobre sera donc le mois de Thoan.
Et cette nouvelle version du jeu, car il ne s’agit pas d’une simple réédition, va changer la donne par rapport à la première du nom en nous proposant d’incarner un groupe de Seigneurs, et ce dans de nombreux mondes de poche.
Petite pause l’Histoire du Jdr français :
A titre de rappel, Thoan est labellisé chez Ludika15, l’alliance de Mnémos et des XII Singes, qui s’occupe déjà de la publication de Nephilim Légende16. Vous vous rappelez toute à l’heure quand je vous parlais de Multisim ? Ni vu ni vu, je fais mon lien, puisque je vous le donne en mille, qui donc avait co-fondé la boîte, puis les éditions Mnémos… ? Tatata… Frédéric Weil bien sûr… et Frédéric est un fan de Farmer devant l’éternel, moralité ce jeu taillé à l’époque pour figurer au catalogue de Multisim (selon moi) retrouve aujourd’hui une place bien mérité chez son descendant Ludika.
Reprenons
Le choix fut donc fait de motoriser cette nouvelle édition grâce à Abstract. C’est tant mieux, car synonyme d’actions flamboyantes, en plus de garantir un système simple d’accès qui ne demandera pas à être lu, relu et digéré avant de pouvoir vous plonger dans le feu de l’action.
C’est en grande partie Franck des XII Singes qui a réalisé l’adaptation à cet univers des rêgles déjà existantes. Rassurez-vous, si vous connaissez Abstract, vous ne serez pas perdus et j’irais même jusqu’à dire qu’une certaine harmonisation du cortex de base à été effectuée, rendant cette version encore plus accessible. A ses côtés, Stéphane Arnier, l’auteur principal du jeu sera secondé par les illustrations (magnifiques) de Dogan Oztel17, dont vous aurez peut-être déjà pu admirer le travail dans Tschaï, retour sur la planète de l’aventure18, également au Editions Mnémos dans la collection Ourobores19.
Le cycle des Hommes-Dieux étant fortement axé autour des relations familliales chez les Thoan, l’une des premières étapes sera de décider des relations entre vos différents personnages, des liens qui les unissent, ainsi que de leur génération au sein de ce peuple. Ici pas d’impact purement mécanique, mais une aide à la narration bienvenue pour situer l’ambiance à votre table.
Viendront ensuite les motivations, dans le but de donner une orientation à vos parties.
Pour finir, la partie chiffrée des personnages incluant les Caractéristiques, les Traits, l’Ego et l’équipement consistera à répartir des scores entre les différents éléments cités pour dresser un portrait aussi fidèle que possible de ce que vous souhaitez jouer.
Parlons Chiffres
Pour coller à l’ambiance, les caractéristiques « génériques » de Abstract deviendront donc :
Puissance, Elégance, Raison et Emotions, auxquelles viendront s’ajouter 3 traits définis lors de la création du personnage, de l’équipement, le Zoa et un Ego.
L’Ego aura toute son importance dans la mesure où il va marquer profondément ce qui caractérise votre Seigneur Thoan, ce qui le rend supérieur aux autres dans un domaine particulier où il excèle. L’Ego sera donc une réserve supplémentaire de 2 dés dans laquelle le joueur pourra piocher lorsqu’elle s’appliquera à la situation.
Le Zoa quand à lui vient remplacer le Dé bonus habituel d’Abstract et repésente la flamme qui anime les Seigneurs, cette étincelle de volonté qui les poussent à ne jamais renoncer. En tant que réserve bonus, le Dé aura donc une valeur de 6 au début de chaque partie et pourra être déplacé dans n’importe quelle réserve en cours de partie, suivant les besoins.
L’opposition en cours de jeu pourra prendre plusieurs formes, selon les situations, se résumant à trois grands cas de figure :
Les obstacles, Les combats, Les défis.
Les obstacles recouvrent la plupart des situations ponctuelles que l’on peut rencontrer lors d’une partie et qui viennent entraver la route de vos personnages.
Un garde en faction devant une porte, un cadenas empêchant d’ouvrir une grille, un pont écroulé au dessus d’une rivière alors que la destination est de l’autre côté, un mot de passe bloquant l’accès d’un ordinateur… vous avez saisi.
L’obstacle ne représente pas une menace, mais gêne un but à atteindre.
Pour le vaincre, un personnage n’est pas limité dans l’usage de ses réserves de dés (tout en restant cohérent avec l’action bien sûr) et peut en piocher autant qu’il veut.
Les combats sont un grand classique du jdr et sont traités de la même manière que le reste à Abstract, c’est à dire par un score à éliminer. Une ou deux petites contraintes viennent toutefois pimenter la résolution.
Tout d’abord, chaque personnage n’a le droit d’utiliser qu’un dé de chacune de ses réserve (une caractéristique, un trait, un équipement et l’égo), soit 4 dés maximum par round de combat. Si la menace n’est pas entièrement éliminée à la fin d’un round, le/les personnages impliqué(s) dans l’affrontement subit(ssent) des dégats.
ex : Un adversaire représentant 10 points de menace ne subit que 5 points de dégats par les joueurs durant le round.
N’étant pas éliminé à la fin du tour, il inflige donc des dégats.
Il occasionne 3 points de dommages en Puissance avec une rafale de coups dévastateurs, ce qui veut dire que la réserve de Puissance d’un personnage va diminuer de 3 points (et je dis bien 3 points, pas 3 dés).
Ainsi, un personnage pourra diminuer un dé affichant un 6 et le placer sur la face 3, ou encore éliminer un dé affichant un 3 de sa réserve de puissance.
Et on repart pour un round, jusqu’à élimination de la menace.
Simple, efficace, ça fait des combats qui tournent vite et bien, tout en obligeant les personnages à collaborer un minimum afin que la menace soit éliminée rapidement.
Les défis quant à eux vont représenter tous les autres types de menaces qui pourraient peser sur les personnages et seront gérés de la même manière que les combats.
Traverser une rivière en crue à la nage, éviter des pièges en remontant un couloir de 20 mêtres de long, réaliser une joute oratoire lors d’un procès sous peine d’être lynché… des défis.
Si vous avez compris ça, c’est simple, vous êtes prêts à jouer.
Bon, qui dit jeu de rôle dit bien souvent progression des personnages, et c’est ici le cas, avec une petite spécificité pour coller à l’univers du jeu.
En effet, vos Seigneurs ne pourront progresser QUE s’ils sont maîtres d’un Cosmos Privé et de sa forteresse. Sans ça, ils seront des errants condamnés à la fuite et à l’oubli, complètement coupés de leur statut Divin.
C’est en effet au sein de sa forteresse qu’un Seigneur créé, manipule, modifie les formes de vie ou les paysages de son monde personnel. Et c’est par ces modifications qu’il pourra justifier l’augmentation de ses caractéristiques, traits, ou encore une nouvelle ligne d’égo.
ex :
– Afin d’augmenter sa caractéristique de Puissance, un Seigneur se rendra dans son laboratoire pour s’administrer une greffe de maillage musculaire…
– Pour acquérir le Trait « Pilote casse cou mais toujours premier lors d’une course », votre Seigneur aura créé une arène de courses au sein de son Univers de poche.
etc…
Enfin, en complément de tout cela, il faut bien sûr une fiche de suivi de votre monde qui servira à noter ses principales caractéristiques (peuples, particularités physiques/géographique, culture …), ainsi que les évolutions que vous y aurez apporté au fil de vos aventures.
Pour conclure
Vous l’aurez sans doute deviné, je suis plutôt emballé par ce grand retour et le fait qu’il tourne sous ce qui, pour moi, est l’un des systèmes les plus novateurs (et léger) de ces dernières années, tout en étant encore sous-représenté sur la scène actuelle.
Les livres vont ainsi pouvoir développer à loisir les différents mondes de poche à disposition qui faisaient défaut à la première version du jeu, faute de suivi de la gamme.
J’attends donc avec impatience la livraison du projet qui ne devrait plus tarder à l’heure où j’écris ces quelques lignes.
Je tiens à remercier tous les différents acteurs au sein de ce projet pour lui avoir permis de voir le jour, permettant ainsi à une nouvelle génération de joueurs d’arpenter cet univers riche en possibilités, qui aura participé activement au développement de mon imaginaire.
Thoan Forever !!!
Rédigé par David BARTHELEMY
Notes & Références :
1 Le Grog
2 Philibert
3 Fate
4 Apocalypse
5 Abstract Donjon
6 Les XII Singes
7 Thoan
8 Philip Jose Farmer
9 Jeux Descartes
10 Leonidas et Orso Vesperini
11 Multisim
12 Alexis Santucci
13 Frédéric Weil
14 Stéphane Arnier
15 Ludika
16 Nephilim Légende
17 Dogan Oztel
18 Tschaï retour sur la planète de l’aventure
19 Ourobores
Article super intéressant sur le système d’abstract donjon. Je l’ai pris mais pas encore pu testé. J’avoue que j’étais pas motivé pour lire la suite 😂
Après avoir lu une bonne partie du nouveau Thoan (mais sans y avoir joué), j’avoue que je suis emballé par le système de jeu, et bien sûr par la qualité générale du produit, franchement épatante à tous les niveaux.
Une réserve toutefois : d’après mon expérience, de nombreux joueurs deviennent extrêmement prudents, voire frileux, quand le fonctionnement de leur personnage repose sur une réserve de points dans laquelle ils doivent puiser. Qui plus est, j’ai l’impression que le fait de gérer des ressources en diminution constante produit une impression qui se marie mal avec l’idée d’interpréter un homme-dieu puissant et narcissique. Je n’ai testé aucune de ces hypothèses, mais j’ai l’impression que pour certains joueurs, l’écart entre la fiction de l’univers et le message implicite des règles risque d’être délicat à franchir.
Hello. A la différence de pas mal de réserves dans les autres jeux, celles-ci garantissent le succès de l’action entreprise, du coup on est moins sur un principe de roulette russe qu’avec par exemple des points d’héroïsme servant à renforcer un jet bof bof. Tout va vraiment se jouer sur « choisir son combat » et ménager ses forces (si tu as lu les romans, ça ressort tout particulierement dans « les portes de la création » qui illustre parfaitement le propos du jeu).
Si tu n’as encore jamais testé Abstract, tu verras, c’est un coup à prendre, mais ça permet vraiment énormément de choses.
Merci beaucoup pour ces éclaircissements !