Rapport de contact de l’alchimiste Barthus, éclaireur de Tyzalek, rapporté par son Oiseau d’alerte et disparu en mission depuis maintenant trois mois.
Jour 1 : « Ça y est, je quitte les murs de Matnak et me lance dans mon périple afin d’en apprendre plus sur l’Obwod et le monde dans lequel nous devons vivre (ou devrais-je dire survivre) aujourd’hui. Je sais que mon départ ne cadre pas avec l’esprit des « Eclaireurs de Tyzalek » car je pars seul et sans prévenir personne, mais j’ose espérer que c’est pour le bien de toutes et tous et que cela permettra d’assurer des jours meilleurs à mes camarades, dussé-je ne pas revenir. Depuis plusieurs jours maintenant, je sens l’Obwod bouillonner en moi et me pousser de plus en plus à la limite de cet état de Changé que je redoute.
Aussi, plutôt que de mettre en danger mes camarades par ma simple présence, j’ai préféré l’exil volontaire.
Pourquoi ? me direz-vous… Hé bien, je suis las de lutter contre le changement et me sens prêt à l’accueillir, du moment que cela n’est pas en vain.
Il y a de cela maintenant quelques semaines, j’ai eu vent (je ne saurais vous dire par quels moyens sans placer mes contacts dans une situation délicate) d’une petite communauté d’individus vivant en secret dans les ruines de l’ancienne Oréane et qui détiendrait de nombreuses réponses quant aux mystères de la genèse du monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Mythe ou réalité, il ne tient qu’à moi de le découvrir.
Car même au sein des éclaireurs, j’ai des doutes sur les loyautés de certains et ne souhaite pas prendre le risque que d’éventuelles découvertes ne soient étouffées par des factions mal intentionnées… »
Jour 6 : « C’est bien affaibli par la longue route que j’arrive aujourd’hui en vue des premières ruines de l’ancienne cité. Je vous épargnerai le détail de mes pérégrinations, car, n’ayant que deux Oiseaux d’alerte avec moi, je me dois de préserver un maximum de place sur les parchemins pour les informations que je pourrai recueillir. »
Jour 7 : « Le contact est établi avec trois Changés encore étonnamment civilisés, suivant les termes qu’ils m’avaient fait parvenir… une longue discussion s’entame dont je vous relaterai la teneur aussi fidèlement que possible lorsque j’aurai l’opportunité de la transcrire. »
Jour 8 : « Ce que j’ai appris hier dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer, mais l’on me fait comprendre que ce n’était rien comparé à ce que je m’apprête à vivre. En effet, j’ai accepté que mes hôtes me conduisent à leur temple afin d’y expérimenter ce qu’ils nomment La Transhumance de l’Âme, une sorte de cérémonie permettant d’accéder à des existences passées remontant à bien avant le Déluge. Ils m’expliquent que s’ils m’ont contacté, c’est parce qu’ils ont vu lors d’une précédente transhumance que nous avions été connectés il y a de cela bien des vies.
Tout ceci me semble parfaitement irréel, mais d’après eux, je pourrais être la clé permettant de débloquer l’accès à un ensemble de connaissances sur le Monde, l’Obwod ou même, la Création de l’univers tel que nous le connaissons aujourd’hui.
On m’explique que nous allons nous rendre dans une grotte non loin d’ici, sous terre et que, sous l’Œil de la Nuit qui Voit Tout, nous devrons nous immerger dans l’Eau de la Vie tous ensemble afin d’y revivre ce qui fut vécu et le sera à nouveau.C’est avec une certaine anxiété mêlée d’excitation que je dépose mes affaires et m’apprête à les suivre, … pour Matnak. »
1 : Bonjour Mathieu1, Guillaume2 et Jean-Pierre3… Dîtes moi, après un kit d’introduction ma foi fort sympathique, vous nous concoctez un bouquin de 450 pages autour de Matnak, avec plein de belles choses dedans. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur la répartition des tâches ?
JP : J’ai eu un rôle de scénariste, ainsi que de co-auteur concernant le développement de l’univers (certaines factions, PNJ et évènements aléatoires notamment), à partir de la base déjà présente. J’ai suivi les demandes et conseils des autres membres de l’équipe. J’ai également émis mes propres conseils dans leur domaine de travail, lorsqu’ils me le demandaient. Nos travaux se sont mutuellement influencés : il est arrivé qu’un point d’univers demande le développement d’un point de règle, ou encore qu’une modification des règles entraîne un réajustement des intrigues, par exemple. Nous avons donc beaucoup échangé pour nous assurer que nous allions toujours dans la même direction et pour éviter les incohérences.
Mathieu : pour s’assurer de la cohérence nous faisions une réunion hebdomadaire en ligne. Nous parlions de ce qu’il restait à faire, nous nous assignions des tâches et nous nous donnions rendez-vous avec l’objectif de les avoir accomplies.
Guillaume : Pour ma part, j’ai eu le rôle du “game designer”, essentiellement, mais j’ai aidé aussi au développement de l’univers. Car si l’univers est à la base issu de l’imagination de Mathieu, ce fut aussi une création collective. Mathieu nous a vraiment laissé le champ libre, a été très à l’écoute, même si ultimement, cela reste son œuvre. Il y a eu à tous les niveaux des discussions, du partage. C’était vraiment une période très agréable, de développer le jeu tous ensemble.
2 : Quand j’ai lu le kit d’introduction, je me suis fais la réflexion qu’au niveau des thèmes abordés pour un jeu d’aventure, on avait quand même un fond assez corsé, avec notamment la part de bestialité sommeillant en chacun de nous ici assez pleinement exprimée, l’ostracisation de la différence et la peur qui l’accompagne, les difficultés à concilier les points de vue en période de crise, la menace d’extinction … Ce sont des choses qui vous travaillent dans la vie de tous les jours ?
JP : Ce sont des thèmes auxquels on est confronté au quotidien. Selon l’interprétation, on peut les retrouver dans une très grande partie des œuvres artistiques, qu’ils soient sciemment mis en avant ou discrètement dissimulés.
Mathieu : En effet, comme dit JP, ces problématiques traversent notre époque et j’ai voulu les inclure tôt. Elles sont comme un miroir déformé de notre réalité et donnent à réfléchir un peu sur notre condition actuelle. Libre à chacun ensuite d’intégrer plus ou moins ce genre de thématique disons, de « société ».
Guillaume : Je ne sais pas si ça me “travaille” particulièrement, mais en tout cas, ça m’a de suite parlé. J’ai adoré cette multiplication de thématiques fortes, portées par un univers très “BD”. Cette richesse permet plusieurs niveaux de lecture, on peut faire de ce jeu bien des choses, en fonction des groupes de joueurs.
3 : Quand on regarde les illustrations du jeu, on ne peut se défaire de la sensation d’une « vision d’artiste » mise en mots (en tout cas c’est mon cas). Ca s’est passé comment la génèse du projet ?
Tout à commencé avec une volonté de faire un univers aussi riche et cohérent que possible. J’ai d’abord beaucoup dessiné. Des personnages et des décors sortaient sans que je n’aie aucune ligne directrice. D’abord surgit un univers très médiéval puis au fur et à mesure, ça s’est orienté vers une pointe de renaissance. Quand je terminais un personnage ou un décor, aussitôt je l’insérais dans cet univers en formation. Le processus a duré trois ans, tous les soirs je me mettais à ma table pendant trois ou quatre heures. Quand cette période fut terminée, j’ai engagé un gros travail de cristallisation. C’est à dire que j’insérais dans la trame générale les illus que je n’avais pas encore liées à quoique soit et j’affinais les liens de cause à effet entre les pnj principaux, les factions, etc… ça fonctionnait comme un système d’entonnoir. j’ai fini par avoir quelque chose de stable. Mais c’était seulement les fondations.
Puis je me suis attelé à faire un jeu de rôle dans cet univers. J’ai posé les bases d’un vague système. Ce que je voulais retranscrire en jeu. J’ai pondu 50 pages de textes sur l’univers : qui allions nous incarner ? quelles factions faisaient quoi et pourquoi ? etc… Ce processus a duré deux ans environ, toujours quatre heures par jour.
Là, les choses vraiment sérieuses ont commencé. Jean Pierre Hufen a désiré écrire un premier scénario dans cet univers (il en écrivit cinq au total, tous riches en péripéties et transcendant les éléments de l’univers. C’était vraiment cool).
Ensuite j’ai créé une page sur Facebook pour faire parler du projet. Le soutien de beaucoup de personnes a été galvanisant.
Ça a permis à Guillaume Meistermann de découvrir l’univers et après lui avoir envoyé le doc texte de l’univers et du proto-système (cette partie était vraiment embryonnaire et j’étais complétement perdu pour tout dire) il a voulu embarquer dans l’aventure,ce dont je n’ai pas été déçu une seule seconde. Il a créé un système efficace, sobre, prompt à s’harmoniser avec Les Terres de Matnak, univers rude par définition.
On a travaillé, testé, fait des conventions. On s’est adjoint d’un co-auteur pour développer ce qui avait déjà été posé, bref nous étions là, lancés dans une véritable aventure éditoriale.
En tout et pour tout, à l’heure où je vous parle, il s’est donc passé près de huit ans depuis la première intention.
4 : Jean-Pierre, tu es en charge des différentes « missions » (les scénarios qui permettront à tout un chacun de prendre la mesure des possibilités du monde de Matnak) proposées dans le jeu. Tu t’y es pris comment pour t’approprier cet univers, sans disons, trahir la fameuse vision évoquée plus haut. Tu avais un cahier des charges ou on t’as simplement dit « lance toi, si ça ne le fait pas, tu seras juste cloué au pilori » ?
J’ai eu la chance d’avoir une certaine liberté dans la rédaction des missions. Pour m’imprégner de l’univers et trouver une source d’inspiration, j’ai tout d’abord observé les illustrations et les concepts déjà mis par écrit. Lorsqu’il y avait beaucoup de matière, je cherchais quel type d’intrigue permettait de la mettre en valeur. Dans les autres cas, je développais également les particularités des régions et des factions en fonction des besoins des missions que je rédigeais.
J’ajustais mes textes selon les demandes et conseils qui m’étaient faits lorsque je présentais les synopsis, puis une nouvelle fois lorsque je présentais les missions complètement rédigées.
5 : Mathieu, non content de nous balancer quelque chose comme cent cinquante illustrations dans le livre et d’être le papa de l’univers, tu es aussi responsable de la maquette (fiou…). Du coup, c’était quoi ta ligne directrice quand il s’est agi d’organiser tout ça, ainsi que les écueils auxquels tu as (peut-être) dû faire face ?
Alors je pourrais te dire que j’ai pris les choses chacune en son temps. Mais en fait, j’ai chevauché les étapes les unes avec les autres, pour gagner en efficacité. C’était risqué, dans le sens où je naviguais à vue. Mais j’ai patienté et ça a fini par payé, car aujourd’hui la maquette et le texte ne fonctionnent pas sans les illustrations, et inversement.
Je faisais une illustration pendant que le texte attendait. Parfois c’était l’inverse. Et quand j’ai abordé la maquette le texte n’était pas terminé entièrement, ni les illus d’ailleurs (il m’en manque encore, je suis dessus actuellement).
Comme outil de production en équipe j’ai choisi le couperet des deadlines, même si ça peut être stressant c’est ce qu’il faut à mes yeux pour mener à bien un projet de grande envergure, avec les contraintes qui y sont liées. Bien sûr nous ne sommes pas à Hollywood, les deadlines nous servaient surtout à nous imposer un rythme entre nous. Parfois il y eu des retards mais l’essentiel était de toujours aller de l’avant. Même lentement, il faut avancer.
Même dans le bordel il faut avancer. L’ordre finit par s’imposer naturellement au fur et à mesure du travail.
6 : Accoucher d’un jeu, comme toutes les naissances, ce n’est pas quelque chose qui se fait sans mal (pensée émue pour toutes les mamans du monde). Ça demande beaucoup de travail et de réflexion, mais au-delà de ça, comment on s’y prend pour savoir si effectivement on va réussir à proposer quelque chose de ludique en plus d’être fonctionnel ?
Mathieu : on prie pour que toutes les lectures, visionnages, et autres sources d’inspirations et de créations que nous avons emmagasinées dans notre vie de rôlistes nous servent à viser juste dans les choix à faire. Parfois ça marche, parfois on doit rebrousser chemin. Et comme avec un enfant qu’on élève, on ne sait pas ce qu’il va devenir … mais on fait tout pour que son avenir soit le meilleur possible.
JP : Lorsque l’on prépare les intrigues et les mécaniques de jeu (y compris celles qui vont au-delà du système de règles), il me semble que le plus efficace est d’échanger avec le public ciblé. On peut en retirer de nombreuses pistes.
Dès la première ébauche produite, le plus simple est de tester le jeu autant de fois que possible et de récolter les retours, afin de déterminer si on a bien atteint les objectifs que l’on s’était fixés. Il arrive même que l’on découvre ici des pistes si intéressantes qu’elles deviennent de nouveaux objectifs.
Une fois la version quasi-finale prête, une nouvelle phase de test et de discussion ne peut pas faire de mal. Après les derniers ajustements qui s’imposent, on devrait avoir le résultat voulu. C’est comme une recette de cuisine peu précise : il faut savoir quand ajuster les étapes si on se rend compte que ça ne fonctionne pas comme espéré. L’une des grandes difficultés est de déterminer quand arrêter de faire des tests ou des ajustements, car on risque de se perdre à vouloir développer et affiner toujours plus.
Guillaume : On a énormément discuté autour du système justement, parce qu’on avait à cœur de donner un vrai objet ludique. On ne pouvait se contenter d’adapter un système, il fallait quelque chose qui colle vraiment à l’esprit de Matnak. Un truc qui fait qu’au cœur des mécanismes, il y ait ce dilemme de recourir à la puissance illimitée de la zoomorphose au risque de se perdre soi-même. J’espère avoir réussi. Mais c’est autour de ces nombreux échanges que le système s’est peaufiné.
7 : Guillaume, c’est toi qui a commis la partie mécanique du jeu en t’attelant au système de résolution … Alors, je sais que tu fais beaucoup de traduction de jdr, mais de là à basculer dans le game design, on n’est pas tout à fait dans le même registre. Ca t’as pris comme ça ou ça faisait un moment que ça te travaillait ?
Guillaume : En réalité je ne fais de la traduction que depuis peu. J’ai travaillé sur Matnak avant de traduire. Et quant au game design… Je me demande toujours si je peux prétendre être game designer. C’est un vrai métier, complexe et qui s’apprend. J’y ai mis beaucoup de cœur, j’ai travaillé sans cesse, autour de quelques points clefs.
Le cahier des charges était assez clair, en fait. La base de ce cahier a été édictée par Mathieu, mais la suite nous l’avons décidée en équipe. Il fallait de la simplicité, peu de caractéristiques chiffrées, pas de compétences, seuls les Joueurs devaient lancer les dés, on ne voulait pas d’une progression “classique” avec des niveaux mais autre chose, que les PJ soient dès le début de vrais héros, de la mortalité, un vrai sentiment de puissance, des PV, des dégâts (relativement) aléatoires, une mécanique unifiée entre toutes les phases de jeu…
Et c’est sans parler de la partie “symbolique” : bien des éléments ne sont pas choisis au hasard. Le D8, symbole d’infini, le 7 (les PV sont octroyés par tranches de 7), les 3 caractéristiques, qui additionnées font 21, etc. Tout ceci est la “faute” de Mathieu, notre grand Alchimiste. Bien évidemment, je ne me suis pas contenté de bricoler autour de ces données. Elles ont été agencées et organisées de manière très rationnelle. Les statistiques sont calculées et réfléchies. Et tout ça pour donner quelque chose de souple et plutôt orienté vers l’histoire.
8 : Pour en revenir au système de jeu, j’ai cru déceler comme une parenté avec l’Apocalypse4, tout en proposant une approche plus « traditionnelle » dans la prise en main. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur le cheminement qui vous a mené là ?
Mathieu : L’idée était de conserver les habitudes des jeux traditionnels et d’y ajouter le principe de l’apocalypse selon lequel rien ne doit pouvoir se conclure sur « il ne se passe rien ».
Guillaume a eu la très bonne idée de synthétiser en actions courantes les mouvements habituels des jeux traditionnels (je défonce la porte, je saute le pont, je séduis tel pnj). Une fois ces habitudes adaptées en termes narratifs (franchir un obstacle, aggraver la situation, etc…), il n’y avait plus qu’à imaginer le système de résolution. Vu que le moteur est souvent les joueurs dans une partie de jdr (du moins, c’est ce que je pense) on a libéré le mj des lancers de dés, pour qu’il se concentre sur la cohérence de l’univers et la mise en scène de ses parties.
Guillaume : En effet, Mathieu l’a très bien dit, nous cherchions un compromis entre les PbtA5 et les jeux old school. Au final, il y a une proximité avec Dungeon World6. C’est un jeu formidable qui mérite d’être testé, mais ce n’est pas aisé de le mener, cela dit. C’est plus abordable à mon avis, dans le sens où les actions ne sont pas pensées pareil. Plus simples à utiliser ! Pour finir, nous voulions un jeu dont les règles serviraient l’histoire. Facile d’accès. Qui parle aussi aux anciens, nous ne voulions perdre personne en route !
9 : Bon, si l’on observe bien la carte des Terres de Matnak, on peut faire la constatation que c’est à peu de chose près gros comme la Corse… C’est tout l’univers de jeu ou vous nous avez préparé douze suppléments/spin off pour étoffer tout ça ?
C’est parfaitement ça pour l’allusion à la Corse. Imaginez, il ne reste plus que la Corse d’habitable dans le monde entier, et sur ça vous ajoutez un virus qui transforme les hommes en bêtes. Virus provoqué par la cupidité et l’orgueil. Le tout enrobé d’un nappage à la Madmax7 médiéval fantastique psychédélique, et vous avez Les Terres de Matnak !
Quant au jeu, il n’y aura qu’un seul livre, avec tout ce qu’il faut pour jouer plusieurs campagnes. Des événements aléatoires appelés Aléas, la description de 7 régions et de 7 factions liées. Le tout accueillant 150 pnj environ . Là dessus, nous avons ajouté des secrets à découvrir et des outils pour le faire. Il y aussi nos conseils pour jouer une partie ou créer une mission. Et le livre se termine sur pas moins de cinq missions pouvant se jouer en campagne.
C’est vraiment un jeu clef en main que nous avons voulu.
10 : Un petit quickie sur l’imaginaire en général ?
- Si vous étiez un livre (roman/bd,…) :
JP : Je serais un faux livre, pour décorer les bibliothèques.
Mathieu : le cycle de Dune8 de Frank Herbert (particulièrement L’empereur-dieu)
Guillaume : Je suis incapable de répondre à ce genre de questions… Quelle torture de choisir ! Si je dois vraiment parler de mes livres favoris, je dirais “Notre besoin de consolation est impossible à rassasier” de Stig Dagerman9, “Que ma joie demeure” de Giono10, « Le Moine » de Lewis11… Mais sinon, pour la SF/Fantasy, j’ai adoré “Seigneur de Lumière” de Zelazny12. En BD c’est assurément “L’Incal” de Moebius et Jodo13, et… “Les formidables aventures de Lapinot” de Trondheim14. Et là je me dis que je suis à côté de la question, puisque je dois parler d’un livre qui me ressemble. Du coup si quelqu’un a écrit “L’indécis”, ça pourrait bien coller.
- Si vous deviez cosplayer quelqu’un :
JP : Je serais un gigantesque Kirby15… ou un énorme Mr. Saturn16… ah, je n’arrive pas à choisir !
Mathieu : Docteur Who17 !
Guillaume : Oh la la. C’est compliqué. On va dire un truc avec un chapeau. J’aime bien les chapeaux.
- Si vous étiez un jeu (de rôle/vidéo,…) :
JP : Je serais un jeu de dés.
Mathieu : Riven (de la série Myst18)
Guillaume : faut arrêter avec les questions comme ça ! JE SAIS PAS. Bon, Shining Force 319, sur Sega Saturn. Sinon j’aime bien les jeux qui font peur.
- Si vous étiez une période historique :
JP : Je serais la préhistoire. Il y avait de l’espace libre. Ça devait être calme. J’aime bien quand c’est calme.
Mathieu : moyen âge.
Guillaume : 20ème siècle, autour de l’avènement du rock progressif.
- Si vous étiez un univers fantastique :
JP : Je serais une utopie. Ça aussi, c’est bien calme.
Mathieu : l’univers du baron de Müncchausen20. Baroque, où tout est possible, et qui garde un esprit positif malgré tout.
Guillaume : l’univers d’Ambre21, parce que tout y est possible.
Et pour conclure, la question vache… selon vous, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment vous positionnez-vous dans ce vaste tableau ?
JP : Je pense que l’imaginaire offre d’immenses opportunités de réflexion concernant des situations fictives pouvant ou non se réaliser dans le futur. Cela permet de se préparer logiquement, mais aussi de se développer émotionnellement, bien au-delà de ce que permettrait le simple traitement de données factuelles.
Comme toute personne ayant un jour partagé un peu de son imaginaire avec un tiers, j’apporte mon infime participation au développement de ce collectif gigantesque… en bien ou en mal, je ne sais pas.
Guillaume : l’imaginaire dans la culture ou la culture de l’imaginaire ? C’est vaste. Je dirais que la place de l’imaginaire est importante, à une époque où on a du mal à distinguer les contours de la réalité. Cultiver l’imaginaire pour savoir ce qui est vrai du faux, c’est peut être une piste à suivre. Quant à notre place là dedans avec Matnak, j’ai envie de dire qu’on est dans la lignée de l’imaginaire de Jodo, Moebius22. Cet imaginaire de BD un peu fou qui va venir questionner justement la réalité.
Mathieu : l’imaginaire, en tant qu’élément constitutif de notre condition, a toujours tenu une place importante dans l’histoire de l’humanité et nous a toujours servi à nous extraire de situations problématiques apportées par le réel. Pour moi il est l’essence même de l’homme et sans lui nous serions voués à disparaître. Pas de survie possible sans imaginaire, pas d’adaptation.
Et si aujourd’hui l’imaginaire ne nous sert plus à comprendre comment fabriquer un piège ou fabriquer un outil, il nous sert à explorer le « champ des possibles » de nos sociétés, de nos comportements.
En gros, je pense que l’imaginaire est une distanciation nécessaire, essentielle même, et non une simple évasion, lubie, ou passe-temps, comme on disait souvent il n’y a pas 30 ans.
Un très grand merci à vous trois d’avoir bien voulu vous prêter au jeu des questions et à très bientôt sur les Terres de Matnak.
Jour … ? : « Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé entre mon entrée dans la grotte et maintenant… Mon esprit me chuchote que tout cela n’a duré que quelques minutes/heures, alors que mon corps me hurle qu’il s’agit de jours entiers.
Mon corps… il m’a fallu un certain temps pour le réaliser, mais ça y est… ce corps que je pensais mien à tort n’est plus, il est devenu… autre chose durant la cérémonie.
Ce qui est surprenant c’est que mon esprit lui, ne semble pas altéré par le Changement, contre toute attente. Est-ce lié à l’expérience que je viens de vivre ? Je ne saurais le dire… d’ailleurs je ne sais quoi en penser, phantasme induit par mes hôtes, par une quelconque substance que l’on m’aurait fait ingérer, ou réel témoignage d’un autre temps, d’une autre réalité… ?
Je préfère m’abstenir de trop y penser dans l’immédiat, devant l’énormité de ce que signifierait la véracité de ce dont je fus témoin/acteur… tout n’est-il donc qu’illusion ?
Non, ce n’est pas possible.
Mes émotions, mes sensations sont bien réelles, elles m’appartiennent en propre. Seule chose dont je sois sûr à l’instant, je ne peux plus retourner à Matnak, étant dorénavant un Changé.
Je ne peux que me résoudre à vous faire parvenir ce témoignage en guise d’adieux.
Le Changement ne signifie pas forcément la Fin… ou tout du moins, … … … je l’espère. »
Propos recueillis auprès de Mathieu Myskowski, Guillaume Meistermann et Jean-Pierre Hufen par David Barthélémy
Article initialement publié sur le blog : Cultures de l’imaginaire
Notes et références :
1 Mathieu Myskowski
2 Guillaume Meistermann
3 Jean-Pierre Hufen
4 L’Apocalypse : référence au système de jeu développé pour Apocalypse World (cf Pbta)
5 Pbta
6 Dungeon World
7 Mad Max
8 Dune
9 Notre besoin de consolation est impossible à rassasier
10 Que ma joie demeure
11 Le Moine
12 Seigneur de Lumière
13 L’Incal
14 Les formidables aventures de Lapinot
15 Kirby
16 Mr Saturn
17 Doctor Who
18 Riven, saga Myst
19 Shining force 3
20 Baron de Münchhausen
21 Ambre
22 Moebius
1 réflexion au sujet de “Focus Sur les Terres de Matnak, avec Mathieu « Mysko » Myskowski, Guillaume Meistermann et Jean-Pierre Hufen”